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Le point de départ de la construction d’Espars est la sélection de mots thèmes (comme nous l'avions fait pour TOTEM). Cela évite la linéarité des pistes explorées et le côté feuilleton qui nous gonfle. Les quatre mots retenus le 08 avril : frontière, légende, jeu et carte. A partir de ces mots, la discussion a fait apparaître des bribes d'histoires, des idées, des situations et des personnages. Un premier cadre général est apparu, autour de l'explication de l'isolement d’Espars : les frontières floues... Ce qui suit est un répertoire des principales idées nées durant ce week-end.

lundi 23 avril 2007

Légende d’Orphée

Fils du roi Œagre et de la muse Calliope, Ophée était un excellent musicien. Ses chansons avaient la force de ressusciter les mémoires des Revenants.

Une nuit, alors qu’il se promenait dans la forêt avec sa femme Eurydice, celle-ci disparut soudainement. Orphée attendit en vaine qu’elle revienne, en essayant de ne pas écouter ceux qui lui rappelaient que :

« Les femmes qui disparaissent

Au milieu de la nuit

Y font toute leur vie ».

Jour après jour, il parcourait les rues, les champs, les forêts d’Espars, en jouant la chanson préférée de sa femme. Les jours passaient, mais Orphée ne perdait pas espoir. Il savait bien que les Revenants mettaient parfois beaucoup de temps à rejoindre la cité. Il arrivait aussi qu’ils soient hébergés voire séquestrés par des villageois espariens, avides d’être les premiers à entendre les récits sur le monde extérieur.

Finalement, Orphée arriva à la conclusion que sa bien-aimée avait été condamnée à passer sa vie à l’Extérieur et il décida de la rejoindre avant qu’il ne soit trop tard. Il prit sa lyre et se mit à parcourir jour et nuit les frontières mythiques d’Espars, jouant toujours la même lente mélopée. Enfin, il mit un pied au-delà des frontières et se retrouva sur une vaste péninsule. Il avait perdu sa mémoire, mais pas son talent de musicien. Ses mains se souvinrent tout de suite de la chanson préférée d’Eurydice et la musique lui redonna sa mémoire esparienne. Il se mit à parcourir la péninsule, en demandant aux gens s’ils n’avaient pas entendu parler d’une jeune femme sans mémoire qui aurait été retrouvée dans leurs contrées.

Au bout de quelques mois, une petite vieille l’approcha et pointa du doigt le palais du seigneur local. Orphée charma le prince avec ses chants et se fit engager comme musicien. Il attendit de rencontrer Eurydice en tête-à-tête et joua sa chanson. Sa femme retrouva tout de suite sa mémoire. La nuit venue, les époux quittèrent le château.

Mais dès le lendemain Orphée fut rappelé à Espars sans qu’Eurydice puisse le suivre. Sa tristesse était énorme. Néanmoins, il reprit ses balades le long des frontières légendaires d’Espars. Il réussit à passer une deuxième fois, mais cette fois-ci les gens de la péninsule n’étaient plus en mesure de lui donner des renseignements sur Eurydice. Alors, il rejoignit les Argonautes et parcourut le monde entier sur leur bateau, mais ses recherches restèrent infructueuses.

Il en déduit qu’elle avait franchi les frontières de l’Extérieur et qu’il fallait la chercher Ailleurs. Il se mit à chercher les seuils de l’Hades, jouant toujours la même chanson. Il trouva finalement la mort par les mains des Ménades, jalouses de son amour pour Eurydice. Comme il ne revint jamais des mondes souterrains, personne ne sait s’il y garda sa mémoire et s’il finit par y rejoindre son épouse.

Les paroles du chanteur esparien William Sheller sont évidemment inspirées par ce mythe.

La chanson lente (William Sheller)

Je jouerai cette chanson lente que tu aimes
A d'autres que toi
En d'autres endroits
Pour oublier que je bats de l'aile
Je jouerai pour le roi entre le fou et la reine
Pour les gens dans les bois et pour les dieux des fontaines
Et pour le simple souvenir de toi
Je jouerai de mémoire pour les anciens qui comprennent
Je jouerai où je vais d'où je viens ce qui m'amène
Et pour le simple souvenir de toi

Je chante au fil des mots comme ils me viennent
Avec d'autres voix
De si loin déjà
Qu'on ne les entend plus qu'à peine
Et je joue dans les rues fuyant le vent qui me gêne
Comme un enfant têtu lâchant la main qui l'entraîne
Pour le simple retenir de toi
Ce que je joue encore ce sont mes mains qui le tiennent
Moi j'ai perdu les accords dont elles se souviennent
Pour le simple revenir de toi

Le feu dans les doigts
Je jouerai tout bas
Cette chanson lente que tu aimes

Petit cours d’histoire esparienne

Les Revenants Légendaires
La particularité du territoire d’Espars (frontières floues) explique l’apparition d’un culte original lié au Passage, à l’origine accidentel, de ses frontières. Il y a deux siècles, avant que le train soit inventé à l’Extérieur, puis introduit à Espars, le passage des frontières ne pouvait être qu’accidentel ou du moins aléatoire et les séjours à l’Extérieur étaient toujours d’une durée incertaine.

Les Revenants apportaient des informations de l’Extérieur (idées politiques, conceptions religieuses, arts, artisanats, technologies, etc.). Selon le contexte, ils étaient considérés comme des messagers de Dieu… à moins d’être considérés comme des envoyés du Diable. Un Revenant pouvait faire la fortune ou la honte de sa famille.

Certaines de ces informations étaient si intéressantes de point de vu économique, que le Revenant s’enrichissait assez rapidement. Dans d’autres cas, le Revenant se mettait à la tête d’une espèce de secte dont l’enseignement était inspiré du monde Extérieur. L’histoire connaît des Revenants ayant marqué la vie des générations d’espariens.

Même s’ils avaient perdus leurs mémoires, certains des Revenants revenaient naturellement vers leurs familles espariennes, qui souvent ne savaient même pas que la personne était partie. Ils/elles retombaient amoureux /amoureuses de leurs femmes ou de leurs maris, renouaient avec leurs parents, leurs frères et sœurs. D’autres ne désirant pas forcément revenir vers leurs familles espariennes étaient quand même curieux de connaître leur passé esparien dont tout le monde parlait.
Certaines familles essayaient de gagner du pouvoir à travers leur Revenant (sectes, technologies, faux enseignements, etc.), d’extorquer de l’argent en échange des renseignements sur le passé du Revenant, etc.

Légendes
Le folklore esparien connaît des légendes émouvantes de disparition peu après un mariage (voir la légende d’Orphée). Des chansons racontent le chagrin des mères des Revenants, ayant entendu de la bouche de leurs enfants les mots : « Que voulez-vous, Dame ? » (voir la chanson de la mère de Mina).


Le Grand Revenant
Il y a un peu plus de cinq siècles, le Grand revenant revint de l’Extérieur avec une tablette en pierre.
« Nul n’est prophète en son pays,
Nul n’est prophète en son passé »


Une Théologie fut élaborée par ce Grand revenant.
Celle-ci repose sur deux principes fondamentaux :
- Le principe du dépaysement : les Revenants sont des incarnations de la volonté divine. Dieu veut qu’en perdant tout contact avec leur passé, ils deviennent dignes de connaître les secrets de l’Extérieur. Le désir des familles de reprendre contact avec un Revenant va à l’encontre de la Volonté divine. Y succomber est un péché.
- Le principe de l’humilité devant la volonté divine : Dieu choisit les Partants-Revenants. Un esparien ne peut pas refuser d’être le prophète de Dieu et il ne peut pas non plus l’être de sa propre volonté, le choix final reste à Dieu (principe du loto).

L’Eglise d’Espars
Fondé par le Grand revenant, cette institution se charge de prendre soin des Revenants tout en veillant au respect de la règle de dépaysement. Avant la Révolution des « Voyageurs », les Désarchivsites étaient une force de surveillance dépendante de l’Eglise.

Le bouddhisme esparien est à mi-chemin entre la religion et la philosophie.
Les bouddhistes ne jouent pas au Loto. Ils estiment que le départ à l’Extérieur n’est rien d’autre qu’une réincarnation supplémentaire et auto infligée, par laquelle l’individu multiplie ses attachements et ses souffrances.

Les religions monothéistes de l’Extérieur
En dépit des efforts de certains Revenants de répandre le Christianisme, l’Islam et le Judaïsme en Espars, les Espariens n’ont jamais adhéré à ces enseignements, ressentis comme trop éloignés de la réalité esparienne.

Un humanisme esparien apparut en réaction à la religion officielle:
Les humanistes défendaient l’idée que nul ne peut être élu sans être appelé. Il estimait que le droit à la reconstitution de la mémoire pour les athées ayant été victimes d’un passage accidentel à l’Extérieur est un droit naturel et inaliénable.


La Météorologie

Une science permettant une relative prévisibilité des fluctuations de frontières et rendant possible la prévention des passages accidentels. Voir également l’article sur la persécution des météorologues par des intégristes de la religion officielle.

Les Cheminots
Après l’invention du train à l’Extérieur, ils l’adaptèrent aux frontières d’Espars, de façon à ce que les retours de l’Extérieur ne puissent plus avoir lieu que par ce train. Ils contrôlèrent ensuite le séjour à durée déterminée.

La Révolution esparienne (Révolution des « Voyageurs »)
Celle-ci éclata peu après l’invention du départ prévisible (par le Train). Les « Voyageurs » étaient un groupe de jeunes qui revendiquaient le droit au voyage laïc allant de paire avec un droit inconditionnel à la reconstitution de la mémoire.

L’accord du 13 mars 979
- Séparation des Désarchivistes de l’Eglise ;
- Maintien de l’interdiction des voyages de loisir ;
- Respect du principe du dépaysement pour les gagnants au Loto et les croyants ayant passé la frontière de manière accidentelle ; en cas de passage accidentelle, les bouddhistes ont eux-aussi demandé d’être traités comme des croyants ;
- Droit à la reconstitution de la mémoire pour les athées ayant passé accidentellement la frontière ;
- Droit à l’Assurance récupération et reconstitution de la mémoire.

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GUERISON MIRACLE...

Réapparition surprise du vice-président de l’Union des désarchivistes à la conférence de presse d’avant-hier.
Après deux semaines d’absence, le vice-président de l’Union des désarchivistes est réapparu hier devant les journalistes en bien meilleur santé. Interrogé par l’équipe de notre journal sur les raisons de cette amélioration soudaine et inattendue au regard de la gravité de sa maladie, le vice-président a éludé les questions. En particulier, il a refusé de donner des détails sur le traitement qu’il a subi à l’hôpital ministériel d’Espars.
Devant le comportement ambigu du vice président, le porte-parole des Voyageurs a exprimé son assurance que celui-ci a été soigné à l’Extérieur. Il a accusé une fois de plus les désarchivistes et les cheminots de traiter les espariens comme des otages de leur régime, sous-entendant évidemment que le Passage sans perte de mémoire serait technologiquement possible.
A gauche, le vice-président après son séjour à l'hôpital ministériel. A droite, le vice-président il y a un peu plus de deux mois.

Panneau frontière floue !


Un logo des désarchivistes


Premier train exposé au musée d'Espars


Echoppe d'un reconstructeur de mémoire